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A l'intention des scénaristes en herbe

Petit guide pratique du jeune scénariste en quête d'un dessinateur.

Publication Samedi 17 Février 2018

Depuis le temps que nous parcourons le web et les salons, avec les copains dessinateurs, on a croisé un certain nombre de jeunes scénaristes souhaitant solliciter nos services.
Beaucoup d'entre eux sont des débutants sans expérience même en amateur.
Les signes ne trompent pas. On sait le reconnaître quand on en voit un.

J'ai compilé ici leurs erreurs les plus courantes.
Cet article s'adresse aux scénaristes en herbe en quête d'un dessinateur ainsi qu'aux jeunes dessinateurs pour qu'ils reconnaissent un projet de débutant qui va droit dans le mur.

Bonne lecture ! =D

Avant toute chose, je vous rappelle que raconter une histoire est une compétence, un savoir faire et qu'il ne suffit pas d'avoir une bonne idée tombée du ciel, ni même de l'avoir laissée macérer pendant 20 ans dans un coin de votre cerveau, pour pouvoir raconter une bonne histoire.
Il est inutile d'envisager d'entrer dans le milieu professionnel sans vous être au préalable entraîné à ce savoir faire.
Terminez d'abord des BD en amateur (ne serait-ce qu'en bonhommes bâtons) avant de prétendre à vous faire éditer.
C'est comme n'importe quel milieu professionnel : un dessinateur et un éditeur feront plus confiance à celui qui aura montré qu'il sait structurer un projet et le mener au bout que quelqu'un qui n'a jamais rien fini.

"Je cherche quelqu'un de sérieux"

Le syndrome du débutant jamais sorti de sa grotte (1)

C'est déjà très dur en soi de trouver un dessinateur.

Pourquoi ?

La loi de l'offre et de la demande.

Il y a plus de gens qui écrivent que de gens qui dessinent. En plus, parmi ceux qui dessinent il y en a une bonne partie qui ne fait pas de BD et parmi ceux qui font de la BD, un bon nombre d'entre eux écrivent leurs propres histoires.
Des multi-casquettes qui n'ont pas besoin de vous.

Parlons en chiffres.

Si vous avez déjà parcouru des forums ou des groupes de propositions de collaborations pour des BD, et que vous ne vous êtes pas contentés de poster votre truc sans vous intéresser aux autres, vous avez du remarquer que pour un dessinateur qui cherche un scénariste, vous avez 10 scénaristes en manque de dessinateur.
Et encore, la plupart de ces dessinateurs "disponibles", si vous arrivez à en convaincre un, sont pour 99% d'entre eux des débutants aussi peu expérimentés que vous.

Pourquoi ?

Les dessinateurs que vous qualifiez de "sérieux", parce que justement ils sont sérieux, ont pris la peine de pratiquer un peu, d'étudier un peu comment fonctionne et comment on fait une BD, comment on fait un scénario, comment on le séquence. Ce sont des gens qui ont donc déjà des bases que vous n'avez pas, savent mieux raconter une histoire que vous, et donc, des gens qui n'ont pas besoin de vous.
Le minimum syndical, c'est tout de même d'en savoir autant sur la narration en BD que votre dessinateur.

En somme, si vous n'arrivez à intéresser (si vous parvenez à en intéresser ! ) que des dessinateurs que vous trouvez mauvais, c'est peut-être que les dessinateurs sérieux, comme vous dites, eux, vous trouvent vous-même mauvais.

Bref ! La denrée est rare, exigente et il va falloir la chercher et la séduire.

Autant vous le dire tout de suite, si vous commencez à être exigent et à vous comporter comme si vous vous attendiez à ce que les gens vous supplient à genoux de les accepter sur votre projet vous risquez de vous prendre un vent.

C'est vous qui avez besoin du dessinateur et pas l'inverse.

De plus, quand vous dites ça, ça sous entend que vous ne nous faites pas confiance. Et s'il n'y a pas de confiance dans une collaboration et bien il n'y a pas de collaboration.

"J'ai un projet de 50 tomes"

Le syndrome du débutant ambitieux (1)

Vous voudriez pas aussi en faire un projet transmédia adapté en anime et en jeu vidéo AAA par hasard ?

Blague à part.
Vous faites partie de ces débutants qui n'ont jamais fini une seule histoire en BD, qui n'a aucune idée du fonctionnement du milieu éditorial et du marché et qui a rêvé en lisant des séries japonaises fleuves comme Naruto ou One Piece ou toute autre série manga à rallonge qui vous conviendra.

Revenons sur Terre 5 minutes !

Les éditeurs diront non

Au Japon, les séries sont soutenues au moyen de votes des lecteurs chaque semaine (pour les grosses productions) dans des magazines de pré-publication (Shonen Jump, tout ça). Une série est maintenue aussi longtemps que son classement est correct dans les votes.
C'est grâce à ce système de vote, et au public japonais qui s'implique fortement, que des séries comme Naruto ou One Piece ont pu s'éterniser.
Notez que des séries aussi longues restent des exceptions même au sein du système japonais. Des Oda qui font courir leur intrigue sur plus de 80 tomes, ça court pas les rues.

Dans tous les cas, même au Japon, avant de perdurer, une série débute avec un chapitre d'une cinquantaine de pages contant une histoire complète pour faire ses preuves.
Ensuite, seul les votes décideront de la pérennité de la série et ce quelque soit les développements que l'auteur ait prévus.

En Francophonie, le système de prépublication en BD n'existe pratiquement plus. Cherchez pas, en dehors de Spirou et du Journal de Mickey, y'a plus rien.
Tintin, Pilote, Métal Hurlant... tout ça c'est mort depuis 30 ans.

La raison en est toute simple : pas assez de lecteurs.

La France a beau être le deuxième pays plus gros consommateur de mangas derrière le Japon, il n'en reste pas moins que sa consommation de mangas et plus généralement de BD reste anecdotique en comparaison.
Oubliez vos rêves de grandeur. La France, c'est trop petit pour ça.

Finalement, comment ça se passe avec les éditeurs francophone ?

Les petits éditeurs ne vous signeront pas pour plus d'un tome à la fois.
Les moyens/gros sur 3 ou 4 tomes maximum.

Si arrivé au bout de ce premier contrat le succès n'est pas au rendez-vous, la série s'arrêtera là. Et ce, toujours quelque soient les développements et le scénario que vous ayez prévu. :D

L'éditeur ne signera pas avec vous s'il n'a pas la garantie d'avoir une histoire complète qui se termine dans cet espace, parce qu'une série qui se termine en queue de poisson, c'est pas bon pour son image en plus d'être décevant pour vous.
Si le premier arc de votre projet venait à avoir suffisamment de succès, dans ce cas, et seulement dans ce cas, l'éditeur voudra bien prolonger le contrat.

Vous avez compris ce qu'il vous reste à faire : remaniez votre projet pour avoir une (voire des) histoire(s) complète(s) en 3 ou 4 tomes.

Ça prend du temps à faire tout ça

Au Japon, les auteurs travaillent avec une équipe d'assistants, payés par... l'auteur. C'est ce qui leur permet d'avoir le rythme qu'on connait aux plus gros titres.
Par conséquent, même au Japon, vous débutez SANS assistant et vous ne commencez à en engager que lorsque votre propre paye suffit à subvenir à vos besoins et même plus. Autant dire qu'il vous faut d'abord faire vos preuves tout seul ou avec un complice qui a une foi aveugle en vous.

Il faut aussi savoir que ces assistants tournent, ils ne restent pas 20 ans sur le même projet. En entreprise, on parle de turnover. Certains d'entre eux sont même là pour apprendre avant de devenir auteur à part entière eux-même et quitter le navire pour voler de leurs propres ailes.
En somme, ce sont des employés ou des prestataires qui sont là pour gagner de l'expérience et/ou avoir un salaire pour manger. Ce ne sont pas des potes qui ont une confiance aveugle en votre projet.

En France, vous n'aurez pas d'assistants, vous n'en aurez pas les moyens à moins de casser les records de vente. Et encore. Les dessinateurs les plus rapides sortent 2 tomes par an. Dans la plupart des cas c'est 1 tome par an ou 1 tome tous les 1 an et demi.

Donc si vous envisagez une série de 50 tomes, pour la terminer ça vous prendra entre 25 et 75 ans ! :D

Pensez-vous sérieusement qu'un même dessinateur va vous suivre aussi longtemps ?

"Je veux monter un studio avec des assistants dessinateurs dispo 24h/24 et 7j/7"

Le syndrome du débutant ambitieux (2)

Si vous en êtes là, c'est déjà que vous comptez faire un projet de 50 tomes (mauvaise pioche), mais que vous êtes conscient qu'avec un seul dessinateur, ça n'en finira jamais (petite étincelle de lucidité).
Sauf que comme vous êtes têtu comme une mule, au lieu de revoir votre histoire et d'en faire un projet de taille raisonnable, au lieu d'un seul dessinateur, vous décidez d'en recruter plusieurs. :D

Sérieusement !
Vous n'arrivez déjà pas à en trouver UN !

On voit le profil du débutant qui a une idée d'histoire (mais n'en a jamais finie aucune), persuadé de son génie, mais qui ne sait pas dessiner (il a pas le temps) alors cherche une équipe de petits ouvriers exécutants assouvissant fidèlement ses rêves sur le papier.
Equipe qu'il chapeautera bien entendu en tant que chef de projet (c'est pas toujours dit explicitement, mais c'est pensé très fort).

Il est évident que ce type de scénariste débutant n'a jamais chapeauté aucun projet d'équipe d'aucune sorte en entreprise. :D
Expérience en management, zéro !

Le profil typique de celui qui a une idée, mais aucune compétence pour la mettre en oeuvre alors cherche des bonnes poires pour donner corps à ses fantasmes.
On en croise aussi beaucoup dans le milieu du jeu vidéo des comme ça. On les appelle (très péjorativement, évidemment) "idea guy".

"Je suis game designer, j'ai une idée de MMO en 3D mais je ne sais ni coder ni dessiner, ni modéliser en 3D alors je recrute des dev et des graphistes. Moi je serai chef de projet et je fournirai les idées. "
Saupoudrez de quelques fautes d'orthographe et d’abréviations sms par-ci par-là et vous aurez le tableau complet.

Sauf que les dev et les graphistes ils peuvent avoir des idées sans vous.

Ou le débutant qui a lu Bakuman en diagonale

Pas besoin de chercher bien loin d'où vous vient cette idée.

Il y a quelques années un certain manga du nom de Bakuman a fait découvrir les coulisses du manga au grand public.

Effectivement, dans ce manga on découvre les auteurs organisés en studio avec plein d'assistants dessinateurs.

Sauf que !
Ça reste une fiction racontant le parcours idéalisé de l'équipe Muto Ashirogi.
Ça se passe au Japon et on l'a déjà dit, l'édition en France et au Japon, ça ne fonctionne pas pareil et ça n'a pas les mêmes moyens.
Ça se passe chez l'un des plus gros éditeurs japonais qui a les moyens de payer des armées d'assistants.

Mais bon, puisque vous y tenez à votre système japonais, je vais vous rappeler quelques détails que vous semblez avoir omis à la lecture de votre manga préféré.

Même au Japon vous ne débutez pas avec des assistants !!! Niet ! Rien ! Nada !

Au Japon, c'est l'éditeur qui vous met en contact avec des assistants, mais il ne le fait que si vous avez fait vos preuves avec des one-shot réalisés sur votre temps libre pour des concours jeunes talents et qu'il a confirmé lancer votre projet de série dans son magazine.
Sinon c'est niet !

Bref ! On en revient à ce que j'ai dit en introduction.
Même au Japon il vous faut faire vos preuves en amateur sur des histoires courtes, et en plus en participant à leurs concours, pour espérer être édité et obtenir une équipe d'assistants.

Dans tous les cas, ici ou ailleurs, votre idée de studio alors que vous n'avez ni histoire finie, ni storyboard, ni quelques planches finies, c'est mettre la charrue avant les boeufs.

"J'ai peur qu'on me pique mes idées"

Le syndrome du débutant jamais sorti de sa grotte (2)

On a tous une idée géniale qui va révolutionner le monde de la BD dans un tiroir. Hahaha ! =D

Plus sérieusement.
Vous n'êtes pas le seul ni le premier au monde à avoir des idées et à écrire des histoires. Rien qu'en France on doit compter dans les 10 millions de personnes qui ont un manuscrit sous le coude avec l'intention de le présenter aux éditeurs.
Autant dire que ça fait du monde !
Et on ne parle que de la France, aujourd'hui.

Avec un chiffre pareil, êtes-vous assez naïf pour penser que personne n'aura eu une idée similaire à la votre avant vous ?

"J'ai peur qu'on me pique mes idées", c'est le cas typique du débutant qui n'a fini aucune histoire et n'en a soumise aucune au regard extérieur... et qui n'en a d'ailleurs pas lu des masses non plus.
Parce que quand on fait lire son histoire aux autres, il y aura toujours quelqu'un pour dire "ça me fait penser à ci", "ça me rappelle ça" ou encore "j'ai lu une histoire similaire".
Et si vous creusez bien en toute honnêteté, vous trouverez TOUJOURS quelque chose de similaire qui a été fait avant (un obscure roman de SF des années 1950 par exemple). Vous trouverez TOUJOURS quelqu'un qui a pensé à votre idée avant vous. TOUJOURS.

Et comme il s'agit typiquement d'un débutant qui n'a fini aucune histoire et n'a donc aucune expérience, il n'y a pas besoin de creuser beaucoup (lorsque finalement il se décide à lâcher un bout de synopsis) pour se rendre compte que ses histoires ne sont qu'une version réchauffée du dernier manga à la mode.

Et ça avait une peur bleue du plagiat. Hahaha ! =D

Le plus triste dans tout ça, c'est qu'il ne s'en rend même pas compte.

La Bruyère disait déjà en 1696 (ça fait plus de 300 ans quand même)

Tout est dit, et l'on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes et qui pensent. Sur ce qui concerne les moeurs, le plus beau et le meilleur est enlevé; l'on ne fait que glaner après les anciens et les habiles d'entre les modernes.

En gros, on rabâche les mêmes choses depuis plus de 7000 ans. On les habille juste différemment selon les époques.

Et Boris Vian d'enchaîner dans les années 1950

Tout a été dit cent fois,
Et beaucoup mieux que par moi.
Aussi quand j’écris des vers
C’est que ça m’amuse
C’est que ça m’amuse
C’est que ça m’amuse et je vous chie au nez.


Alors vous, petit scénariste débutant, que pensez-vous pouvoir apporter de révolutionnaire en 2018 ?

Redescendez sur Terre et faites profil bas. Votre idée géniale de débutant elle est banale et rebattue.

De plus, quand vous dites ça, ça sous entend que vous ne nous faites pas confiance. Et s'il n'y a pas de confiance...
Je l'ai déjà dit ça je crois, non ?

"On a des goûts ! "

Le dessinateur n'est pas une machine qui exécute tout ce qu'on lui demande. C'est un être humain avec des goûts, des préférences.
Certains genres d'histoires lui plaisent, voire le passionnent, d'autres suscitent son indifférence voire son dégoût.
Naturellement, il n'acceptera de dessiner que des histoires qui lui plaisent.

Question con :
Si vous refusez de présenter les concepts et les synopsis de vos histoires de peur de vous les faire piquer, comment le dessinateur peut-il savoir quel genre d'histoires vous voulez raconter et si ça l'intéresse ou non de bosser avec vous ?

Il faut plus qu'un synopsis

Avoir une idée d'histoire, c'est une chose, savoir la raconter en est une autre.

Vous pouvez avoir la meilleure idée du monde, si vous êtes incapable de la raconter de façon à capter et à garder l'attention du lecteur, le résultat sera nul, chiant et sombrera dans l'oubli.
Nous montrer un synopsis ne suffit donc pas. Fournissez un script d'un chapitre ou un storyboard en bonhommes bâtons pour prouver que vous savez raconter une histoire.
On vous demande pas de tout déballer non plus. Simplement un extrait suffisent pour prouver vos compétences de conteur.

Si vous gardez jalousement vos synopsis cachés dans un coffre, on a aucune chance de savoir ce que vous valez...
Et d'être intéressé.

"J'ai pas les moyens de vous payer"

"C'est dommage, mon proprio veut pas me loger à l'oeil."

Beaucoup de gens qui n'ont jamais trempé un orteil dans le milieu professionnel semblent oublier que les dessinateurs (et c'est vrai pour toute autre forme d'art), aussi passionnés soient-ils, sont des gens qui bouffent, dorment, pètent, chient et tombent malades comme tout le monde !
Ces mêmes personnes semblent choquées quand on leur demande un dérisoire 30€ pour un character design.

Aux dernières nouvelles, un loyer, c'est pas gratuit, la bouffe, c'est pas gratuit, l'eau, c'est pas gratuit, l'électricité, c'est pas gratuit... Je continue la liste ?

Ajoutons à ceci que beaucoup de dessinateurs sont des freelance. Ça veut dire quoi ?

Ça veut dire qu'ils sont leur propre patron et qu'ils gèrent une entreprise, certes, unipersonnelle, mais une entreprise quand même.

Ça implique qu'en plus de payer ce que tout le monde paye pour vivre, il doit payer ce qu'un patron paye pour le fonctionnement de l'entreprise et la couverture sociale de ses salariés.

Donc, lorsque vous passez commande à un artiste freelance, dans le tarif que vous lui payez, l'argent part dans

  • les charges sociales et autres cotisations retraites obligatoires
  • le matériel qui lui permet de travailler (crayons, stylos, feutres, encre, PC, logiciels... c'est pas donné)
  • dans l'électricité consommée sur le temps de travail (chauffage, lumière, PC... ) qu'il ne payerait pas s'il était salarié dans une boîte qui fournit ses propres locaux et son propre matériel
  • dans les frais de dossier pour exposer en salon (s'il n'est pas invité par un éditeur et qu'il souhaite tout de même exposer pour se faire connaître) (comptez au moins plusieurs centaines d'euros pour la Japan Expo)
  • et enfin, sur le tout petit rogaton qui lui reste (s'il en reste ! ) il peut éventuellement se verser un petit bout de salaire pour (sur)vivre ET payer des impôts sur le revenu (ce serait pas drôle autrement)

En somme, un dessinateur professionnel, ça a besoin de pognon pour survivre...
Comme tout le monde ! Y compris vous, là ! Ne regardez pas derrière vous, Vous savez de qui je parle.

Les mercenaires

Beaucoup de gens ne se rendent absolument pas compte des difficultés et des coûts que ça implique. Le modèle majoritaire en France étant celui du salarié, je dirais même que la plupart des gens ne se rendent même pas compte du coût du travail (sans parler des gens qui vivent encore chez Papa et Maman et n'ont encore aucune idée du coût de la vie). Si bien que j'ai quelques confrères freelance qui se sont faits taxer de "mercenaires" pour avoir demandé le strict minimum en échange de leurs services.

Revenons sur Terre et parlons en des mercenaires.

D'un côté, vous avez l'artiste prêt à accepter une vie de misère, les difficultés financières et des conditions de travail qui lui usent la santé pour faire le boulot qu'il aime.
De l'autre, le péquenaud moyen qui est prêt à sacrifier ce qu'il aime et à faire un boulot alimentaire, qui l'emmerde, qui le passionne pas, pour gagner un salaire.

Si le dessineux est un mercenaire, vous en êtes un aussi et sûrement plus que lui. =D

Illustrer un BD est un boulot franchement pénible, crevant, usant. La passion ne le rend pas facile, loin de là, elle le rend supportable. La passion c'est l'étincelle sans laquelle on ne tiendrait pas le coup et ça ne suffit pas toujours.

"J'ai pas le temps d'apprendre à dessiner"

"Nous non plus et pourtant on l'a fait."

Si nous, dessinateurs avions attendu d'avoir le temps de nous y mettre, aujourd'hui, il n'y aurait pas de dessinateur. Il faut prendre le temps de le faire et prioriser vos objectifs. (C'est quoi cette manette Playstation entre tes mains ? )

Je vais vous parlez d'une personne qui a pris le temps qu'il fallait pour s'entraîner et progresser.

C'est une personne qui a fait un bac S, a fait math sup/math spé (qui a la réputation de vous priver de temps libre), a fait une école d'ingénieur ainsi qu'un master astrophysique en parallèle, en a chié pour réussir dans ces filières parce qu'elle n'était pas non plus de ceux qui réussissent en claquant des doigts, a fait ingénieur en dev logiciel pendant 5 ans et demi à 40h la semaine...
et elle n'a jamais arrêté de dessiner.
Elle a continué à s'entraîner dur à décortiquer les bouquins d'anatomie pour progresser et à monter ses projets.

Aujourd'hui elle a sorti 2 BD en auto production et son boulot est reconnu par des professionnels.

Cherchez pas de midi à 14h, c'est de moi que j'vous parle ! D=

Je ne suis pas une exception, les exemples ne manquent pas.
Pour information, 30% des auteurs de BD édités n'ont pas suivi d'études artistiques. C'est beaucoup.
Ce sont des autodidactes qui ont pris sur leur temps libre (et même leur sommeil) pour apprendre, s'entraîner, progresser et monter leurs projets. Certains se sont même mis au dessin tardivement, à plus de 20 ans. Ils sont donc la preuve vivante que c'est faisable.

Croyez bien que lorsqu'on est parti de chez ses parents depuis plus de 10 ans (avec toutes les tâches ménagères que ça implique), qu'on a suivi des études et une carrière à temps plein sans rapport, aucun, avec la BD, qu'on a malgré tout réussi à sortir des BD en indépendant en assumant scénario ET dessin et qu'enfin on entend un scénariste débutant qui vit encore chez ses parents dire "j'ai pas le temps" on a envie de distribuer quelques coups de pied au cul !!!

Moralité

Après vous avoir fait la liste des erreurs à ne pas commettre et pourquoi, je vous propose quelques solutions.

Débutant de niveau 0

Si vous en étiez encore à l'étape "je cherche quelqu'un de sérieux", "j'ai un projet de 50 tomes", "j'ai peur qu'on me pique mes idées" ou encore "je veux monter un studio" à la lecture de cet article, il est clair que vous êtes un gros débutant de niveau 0 et que ce n'est PAS DU TOUT le moment de chercher à vous faire éditer, vous brûleriez les étapes et vous vous mangeriez un mur de granite.
De toute façon, si vous n'avez encore jamais fini de BD en amateur, ce n'est PAS DU TOUT le moment de chercher à vous faire éditer.
La BD et l'écriture de scénario, c'est un savoir faire qui ne s'improvise pas.

Il est donc temps de descendre de votre petit nuage, de réaliser que vous n'êtes pas tout seul au monde et de commencer par vous entraîner sur des histoires courtes (quitte à les dessiner en bonhommes bâtons) et de les partager, les montrer, sur Internet, en salon auprès de professionnels, au sein d'un club ou d'une association ceci afin d'écouter les conseils de gens plus expérimentés, d'échanger et de progresser.
Rencontrer des pro ou semi-pro sera aussi une occasion d'en savoir plus sur la réalité du terrain et d'adapter vos projets en conséquence.

Bref ! Faites d'abord de la BD en amateur ! Pratiquez pratiquez pratiquez !

Amateur expérimenté

Si vous n'avez pas de proche dessineux et que vous avez un peu de sous, vous pouvez demander à un dessinateur dont le boulot vous plait et qui serait intéressé par votre histoire de vous faire quelques designs de personnage et quelques planches moyennant finances.
Ensuite, avec ces quelques designs et ces quelques planches, vous pouvez faire le tour des éditeurs ou lancer un financement participatif qui viserait à payer le dessinateur et l'impression des bouquins (ça se fait).

Si vous n'avez pas les moyens de vous octroyer les services d'un dessinateur professionnel ou semi-professionnel dont vous aimez le boulot mais qui ne vous connait ni d'Eve ni d'Adam il vous reste encore 3 solutions.

  • Trouver un proche qui touche du crayon, qui partage les mêmes passions que vous, avec qui vous vous entendez comme cul chemise et qui vous accorde une confiance aveugle à vous et à votre projet qui lui feront accepter de bosser avec vous sur son temps libre (s'il en a et que ça ne menace pas la cohésion de sa famille, je dis ça parce qu'il y en a à qui ça a valu un divorce).
    Si vous avez ça dans votre poche, ne cherchez surtout pas ailleurs. Vous avez une chance inestimable.
  • Trouver un éditeur qui a un gros coup de coeur pour votre histoire et voudra bien vous aidez à trouver un dessinateur et vous proposer un contrat.
    Ça se fait peu en France, en tout cas lorsqu'il s'agit d'auteurs débutants. Généralement les éditeurs n'acceptent que les projets complets (un synopsis accompagné de quelques planches finalisées).
    Certains éditeurs américains recrutent des scénaristes indépendamment de dessinateurs, mais vous n'écrirez très probablement pas sur le projet que vous souhaitez.
  • Apprenez à dessiner !
    Comme le dit l'adage "On n'est jamais mieux servi que par soi-même".
    Très honnêtement c'est la solution la plus viable. Dans le contexte actuel il est plus difficile pour un scénariste encore amateur de trouver un dessinateur de niveau pro que de se faire éditer lorsqu'on est un auteur à double casquette.